mercredi 3 juillet 2013

Blocage de la correction du baccalauréat 2013 au Bénin



Raouf Affagnon révèle les dessous de la grogne


Prévus pour démarrer depuis le lundi dernier, les travaux de correction des copies du baccalauréat ont été bloqués et pour cause. Un groupe d’enseignants exige le retrait des inspecteurs, conseillers pédagogiques et professeurs certifiés retraités. Une revendication qui a suscité une rencontre entre partenaires sociaux, ministre de l’Enseignement supérieur, directeur de l’Office du baccalauréat et quelques superviseurs. La rencontre a débouché sur le démarrage effectif des corrections, ce jour. Pour mieux cerner le différend générationnel entre enseignants, Raouf Affagnon, membre de la Conetra-Bac, nous livre son point de vue. 


Quel est le problème qui se pose, aujourd’hui, au sujet de la correction des copies du Bac ?

Le problème qui se pose sur le démarrage des travaux de correction du  baccalauréat est lié à la revendication d’un groupe d’enseignants dirigé par Thierry Dovonou et Flavien Gankpé. Ils étaient dans un débat à la télévision au cours duquel, ils ont montré de long en large qu’ils ne veulent plus voir les enseignants retraités dans les centres de correction. Car, ils font ombrage à leur développement professionnel et à leur promotion. Ils étouffent leur droit de participer à des activités de formation. C’est ce problème qui a été soulevé et qui a entrainé le blocage auquel nous avons assisté lundi dernier ;  étant donné qu’ils ont menacé de bloquer le démarrage des travaux, si le ministre de l’Enseignement supérieur ne choisissait pas de les écouter et de donner une suite favorable à leur revendication.

Le ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique ayant suivi avec attention leur déclaration, a provoqué une rencontre avec les  partenaires sociaux, le lundi matin. Rencontre élargie au directeur de l’Office du baccalauréat et quelques superviseurs des centres de correction. Au cours de cette rencontre, la question a été remise sur le tapis et les plaignants ont eu à rappeler les griefs qu’ils ont contre les enseignants retraités. L’occasion a été donnée à des groupes organisés comme celui auquel, j’appartiens qui est la Conetra-Bac et les organisations syndicales de l’enseignement supérieur, de montrer au ministre que le problème est mal posé,  et si nous ne savons pas faire en le réglant, nous allons créer plus de problèmes que nous n’en aurons résolus.

C’est là que nous avons montré que, c’est vrai du point de vue de la législation du travail, celui qui est admis à faire valoir ses droits à la retraite est en situation de cessation des activités professionnelles. Contrairement, à ce que nos collègues croient, M. Dovonou s’est déplacé avec un dictionnaire du collégien alors qu’il  n’est pas recommandé pour un professeur. Le professeur ne doit pas travailler avec le dictionnaire du collégien, ni celui du lycéen. Il doit  travailler avec le grand dictionnaire. Là, je suis convaincu qu’il aura une définition plus complète.

« Celui qui cherche la formation continue dans les centres de correction, se trompe de chemin»

Aujourd’hui, celui qui  a perdu son statut de fonctionnaire peut devenir contractuel partout dans le monde. Le phénomène de la contractualisation est mondial. La contractualisation existe aussi, dans le secteur privé comme dans le public. L’essentiel est d’avoir encore de l’énergie, de la force physique et intellectuelle et des compétences à vendre. Dieu sait qu’il y a des gens, après avoir servi 30 ans, sont encore aptes à servir 30 autres années.

Nous avons montré au ministre qu’il y a quelque chose de malsain, dans la revendication de nos collègues. Ils n’ont pas cherché à attaquer ces retraités au début de l’année, lorsqu’ils ont commencé à préparer les candidats pour le Bac 2013. Il y en a qui sont dans les établissements,  des gens qui ont servi, en qualité de professeur certifié simple, conseiller pédagogique jusqu’à la retraite et qui ont continué à servir leur institution.

Le nombre d’inspecteurs que nous avons au Bénin est largement inférieur au besoin réel. Ceux qui sont en activité ne peuvent pas couvrir les besoins de l’ensemble des professeurs que nous avons. Si, on vous sort le ratio inspecteur-professeurs, vous allez constater que les inspecteurs vont mourir à la tâche.

Est-il nécessaire d’associer les enseignants à la retraite aux travaux du Bac ?

Je dois préciser qu’aujourd’hui, un rapport sur la question enseignante commandité par l’Unesco a récemment montré que pour renverser la tendance des échecs massifs  aux examens, le Bénin doit recruter 2 500 enseignants par an pendant trois années d’affilées.  En faisant une enquête, aujourd’hui, on ne peut recruter que 500 enseignants qualifiés à l’enseignement secondaire. Il y aura encore un gap. Ce gap ne peut même pas être comblé, si l’on prenait tous les retraités qui sont encore aptes à travailler. 

L’implication des enseignants, conseillers pédagogiques et professeurs certifiés  retraités dans les travaux des examens est indispensable. C’est une décision incontournable. Si, et seulement si, nous voulons continuer à capitaliser les expériences accumulées par ces gens ainsi que les compétences qu’ils ont accumulées durant toute leur carrière. Ce sont des données qu’on ne peut pas retrouver du jour au lendemain, chez les jeunes.

Je vous avoue qu’aujourd’hui, c’est le phénomène du doctorat qui se distribue comme de petits pains qui fait monter la tête aux jeunes. Tout le monde veut devenir docteur, c’est à croire que le titre enrichi le titulaire. Le Bénin, aujourd’hui, est en train de sombrer dans l’imposture. J’ai suivi à la télé, un reportage sur une soutenance de thèse à l’Université d’Abomey-Calavi. Un professeur de l’enseignement secondaire a soutenu une thèse qui a porté sur l’étude des programmes en exécution dans les établissements d’enseignement secondaire. L’université n’est pas un cadre approprié pour les études pédagogiques, mais un cadre approprié pour les études académiques.

Vous pouvez faire une thèse de doctorat sur la littérature béninoise, française, chinoise et anglaise. Il n’y a aucun spécialiste des questions de pédagogie, de didactique à l’Université d’Abomey-Calavi. 

Avec ces doctorats, nos amis les jeunes pensent qu’ils sont devenus le nombril de la terre. Ce qui leur monte à la tête. Ils croient qu’ils sont les plus intelligents et les plus cultivés de la terre. C’est ce qui, entre autres, les pousse à jouer à tout ce à quoi nous assistons aujourd’hui. Et, c’est triste.

A l’origine de ce différend entre jeunes et retraités, n’y-a-t-il pas un problème d’argent ?

En dehors du facteur que je viens d’évoquer, il y a les petites querelles de personnes. Il y a la recherche du gain facile. Il y a dans nos rangs, des ainées qui les ont marqués négativement et qui ont tenu des propos durs à leur encontre. Ainsi, ils ont juré qu’ils vont leur rendre la monnaie de leur pièce. Que partout où ils se trouvent, ils vont les combattre. Rien qu’à cause d’une simple déclaration, d’une  décision à laquelle la personne a participé et qui ne leur a pas été favorable. Ils ont juré qu’ils vont avoir leur peau.

Le lundi, lorsque nous avons commencé à appliquer la décision que le ministre a prise, à savoir qu’il faut nettoyer toutes les listes en sortant tous les retraités,  nous nous sommes rendu compte que nos amis, qui étaient porteur de la revendication, à des moments données, étaient prêts à protéger  certains retraités et prêts à livrer d’autres. Ceux qui sont ciblés, il faut leur couper la tête sans pitié. Mais, ceux qui sont leurs proches, ils étaient prêts à les protéger. C’est là que nous avons été intraitables.
Nous avons dis que la loi est la loi, même si elle est dure. Le principe établi doit être valable pour tout le monde.

Au regard de tout ce qui précède, le démarrage des travaux des corrections, aura-il lieu ce jour ?

C’est une question piège à laquelle je répondrais oui et non. Les corrections vont commencer ce jour, si d’aventure, les menaces que nous avons subies à travers la déclaration du Collectif du syndicat des inspecteurs ne venaient pas à être mises à exécution. Ce qui suppose que le ministre doit réagir très rapidement pour prendre langue avec les inspecteurs et rechercher avec eux un terrain d’entente parce qu’ils sont un maillon incontournable de l’activité d’évaluation. Ils sont en amont et en aval du processus enseignement-apprentissage-évaluation. Si on les met hors du système ou s’ils décident d’en sortir, la machine sera bloquée. 

Si, par miracle, le ministre trouvait les voies et moyens d’une entente avec eux, les corrections peuvent démarrer aujourd’hui. Mais, si le ministre ne faisait rien et qu’eux-mêmes ne trouvaient pas les formules pour faire le contraire de ce qu’ils ont dit dans leurs déclarations, le démarrage sera bloqué à nouveau. Ce faisant, nous retournerons à la table des négociations parce que la masse du départ de conseillers pédagogiques, de professeurs certifiés que nous avons observée avec le nettoyage des listes, constitue un manque à gagner  énorme pour notre système d’évaluation. Nous allons perdre beaucoup en expérience, en compétence et en qualité. Ce qui aura un impact négatif sur les résultats.

J’ai entendu nos jeunes collègues dirent que les retraités les empêchent de venir bénéficier de leur formation continue. C’est un non-sens. On ne vient pas à la correction pour recevoir une formation. On vient à la correction parce qu’on a les compétences requises. C’est la preuve qu’ils ne savent même pas, ce qu’on appelle évaluation ainsi que ses pratiques pour juger de la qualité des productions de nos apprenants. Ils pensent que c’est le moment pour être formé. Ce qui veut dire qu’ils sont conscients que leur formation initiale est ratée. La formation continue pour les enseignants se déroule dans les établissements,  dans le cadre du déroulement des activités des conseils d’animation pédagogique. C’est dans ce cadre qu’on a la formation continue et le complément d’information nécessaire pour le renforcement de la formation initiale. Celui qui cherche la formation continue dans les centres de correction, se trompe de chemin. Ce sont des hommes et des femmes qui  viennent massacrer les copies. Il faut les éloigner de nos établissements.

Ils ont chassé les professeurs à la retraite pour occuper leurs postes pour tenir le bic vert alors qu’ils n’ont pas les compétences. Ils sont à la recherche du gain facile. La République ne doit pas les autoriser à aller dans ce sens, sans quoi, c’est la mort de la jeunesse scolaire.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire